Oser écouter à l’intérieur, se respecter et dépasser la peur.
J’ai donné naissance à mon troisième enfant de manière entièrement libre et autonome. J’ai choisi délibérément de n’avoir aucun suivi médical, ni pour la grossesse, ni pour l’enfantement.
Délibérément, parce qu’en fin de compte, la majorité des femmes qui prennent cette décision le font par manque de choix : pas de sagefemme dans leur région, ou disponible seulement sur liste d’attente, pas de permission d’accoucher au domicile car trop éloigné d’un centre hospitalier, ou encore pas d’accès au suivi d’une sagefemme à cause d’une restriction médicale telle que la présence de jumeaux ou un antécédent de césarienne, par exemple.
Aucune de ces situations n’était la mienne. Une maison de naissance était disponible tout près, sans liste d’attente, et l’accouchement à domicile m’était permis.
Pourquoi donc ce chemin, alors ?
Je me suis remise en question mille et une fois. Avec le recul, il est clair que c’était pour écouter et obéir à une invitation venue de l’intérieur.
Qu’ai-je appris sur ce chemin ?
C’était en fait clair en moi depuis la naissance de mon deuxième enfant. Une magnifique naissance dans l’eau, accompagnée de deux sagefemmes, dans une petite maison sur le bord du fleuve. Un vrai rêve! Une expérience extraordinaire, comme tout accouchement naturel : une initiation, un dépassement de soi, un accomplissement puissant, un abandon total obligé.
Mais ce fût aussi un acte manqué. Une opportunité perdue de vivre ce passage dans une totale harmonie alors que nous étions hors centre hospitalier et hors système médical. Mmm… pas tout à fait, à bien y songer, et c’est justement là que réside le problème.
Les sagefemmes sont des professionnelles de la santé en bonne et due forme, faisant partie du système de santé provincial. Elles sont débordantes de bonnes intentions et de bienveillance, mais « responsables » et tenues de rendre des comptes au système médical auquel leur profession est désormais affiliée.
Mes sagefemmes ne sont intervenues que sur de petits détails, lors de cet enfantement physiologique normal. Mais ça ne prend pas grand-chose pour instiller la peur, infantiliser ou encore détourner quelqu’un de son propre pouvoir… et c’est ce que j’avais vécu, senti et perçu lors de ce deuxième enfantement.
C’est pour cela que je savais. Je savais que si j’avais un autre enfant, je devrais avoir l’audace de le faire sans elles, je devais oser plonger en moi complètement, rejoindre la confiance et la foi totale en mon corps, et reprendre en tous points ce pouvoir sacré de la femme que je suis et qui sait enfanter.
Avant même de retomber enceinte pour la troisième fois, j’en ai avisé mon conjoint, car cette petite voix que j’avais entendue suite à mon deuxième enfantement huit ans plus tôt rejaillissait en moi et se faisait de plus en plus forte. Il m’a entendue, mais mal à l’aise avec cette idée, il ne m’en a pas reparlé avant le fameux test de grossesse où l’on doit habituellement se hâter de réserver sa place en maison de naissance.
Qu’allions-nous dire aux autres quand ils demanderaient : « Et puis, vous avez une sage-femme pour celui-là aussi ? » Ou encore : « Qui est votre sage-femme ? » puisque nous les fréquentons de manière assez systématique dans notre cercle d’amis.
Lui se savait incapable de mentir, et moi je n’en avais pas plus envie. Dire la vérité de ma démarche à tout un chacun n’était pas non plus une option. J’avais déjà expérimenté la peur des autres lors de ma première grossesse et de mon premier suivi en maison de naissance. Il était hors de question que je m’impose ça durant les huit prochains mois. Alors…
J’ai discuté avec une amie sagefemme qui m’a invitée à « donner une chance aux sagesfemmes ». Dans sa région, lorsqu’une femme n’en est pas au premier et qu’elle connait bien son corps, il leur arrive de faire un suivi minimal, mené par la femme elle-même, et de bénir son accouchement non-assisté si tout se présente bien jusqu’à la fin. Nous avons donc décidé de nous inscrire à la maison de naissance.
Dès le premier rendez-vous avec la sagefemme, je lui ai partagé mon incertitude face à ce suivi. J’ai alors vécu mon plus beau rendez-vous avec une sagefemme en trois grossesses !
Cela n’avait rien à voir avec la personnalité de la sagefemme ou une meilleure compatibilité ; cela avait plutôt tout à voir avec la position qui m’avait été offerte durant cette rencontre.
Sachant que j’étais une ancienne étudiante sagefemme, et tenant compte de l’incertitude que j’avais annoncée au début de la rencontre, la sagefemme ne m’a rien suggéré, demandé ou imposé. Aucun geste n’a été posé sur mon corps ! Elle m’a demandé où est-ce que je sentais mon utérus, au lieu de me proposer de venir trouver elle-même sa hauteur. Du début à la fin, la sagefemme m’a demandé ce que MOI je souhaitais faire, ce que MOI j’avais envie d’évaluer et de savoir.
J’ai rêvé ce jour-là qu’on reçoive toutes les femmes enceintes de cette façon – même celles qui ne connaissent rien ni à la grossesse, ni à la naissance. Après tout, ce sont leur corps et leur âme qui traversent ce processus !
Il est temps de cesser de nier la sagesse intérieure des corps et des âmes en les soumettant à l’expert extérieur. Il est temps de les aider à reprendre leur pouvoir, et cela commence par le ton de cette première rencontre : « À quelle hauteur sens-tu ton utérus? Tu ne sais pas comment le sentir ? Je vais te montrer où le trouver… »
Ce fût la seule rencontre où nous avons parlé d’autre chose que de comment pourrait se passer l’accouchement. S’en sont suivi malentendus, déceptions et le sentiment de devoir faire des concessions pour une professionnelle de la santé qui était supposée être là pour répondre à mes besoins… Mais c’est moi, la femme, qui s’est vu imposer les besoins de cette pratique désormais institutionnalisée.
« Je veux bien donner du mien mais il faut aussi que vous fassiez votre boutte ! » me dira la sagefemme. On se doit d’accepter un minimum d’intervention de sa part, sans quoi elle ne pourra pas continuer le suivi avec nous.
À l’intérieur, ça crie : « Je n’ai pas à faire mon boutte ! Le rôle d’une sage-femme n’est-il pas de répondre aux besoins des femmes et de respecter leur choix ? » Mon besoin à moi, c’est de l’appeler si j’ai besoin d’elle, et quand j’aurai besoin d’elle, c’est tout. Pour une suture après la naissance. Ou si mon bébé a une difficulté particulière, qu’il est différent, et que j’ai besoin de conseils.
« Si tu n’as pas l’intention de m’appeler en début de travail, alors ne m’appelle pas du tout, pas plus tard pendant, ni après, même pas pour une suture. Le suivi se termine aussitôt que tu es en travail sans m’en avertir.»
La colère gronde en moi. J’écris :
« Je ne veux pas de la présence d’une personne “qualifiée” et légalement responsable. Je ne peux pas imaginer que cette présence nous permette d’incarner pleinement notre autonomie, ni de vivre l’expérience de ce nouveau paradigme, celui où la naissance est simplement l’expression d’un passage harmonieux vécu et incarné dans un corps humain féminin conscient. Un passage auquel on fait pleinement confiance. »
Après plusieurs jours, le choix se place. Si je ne peux même pas appeler pour demander de l’aide pour une suture, eh bien il me faut être la plus précise et efficace possible avec mon pouvoir créateur et mon écoute intérieure ! Et j’accepte d’aller à l’hôpital si j’ai besoin de quoi que ce soit.
Choisir de mettre fin à ce suivi aura été un processus complet, avec ses hauts, ses bas. Tous ces doutes auxquels j’ai dû faire face : « Et si j’étais dans l’erreur ? Et si j’étais dans le déni ? » Toutes ces conversations que j’ai eues pour pouvoir m’écouter parler et sentir à l’intérieur… Est-ce que je faisais cela pour prouver quelque chose à quelqu’un ? ou à moi-même ? Pour défier un système que je dénonce ? Poser un geste féministe ? Me rebeller contre cette peur viscérale de l’accouchement que tout le monde semble porter et même vouloir défendre ?
Cette dernière hypothèse était la plus probable, car je la cerne très bien, cette peur gigantesque qui a stigmatisé l’humanité. Elle est chargée d’ignorance, d’incompréhensions et d’associations erronées.
Après ma grossesse, j’ai complété mes recherches concernant les dangers inhérents à l’enfantement en lisant Childbirth Wisdom : From the World’s Oldest Societies de Judith Goldsmith. Compte rendu de recherches anthropologiques, ce livre compile des informations qui apportent un bel éclairage sur l’enfantement tel qu’il était vécu par les plus anciens peuples de la terre, dans les débuts de l’humanité, bien avant l’industrialisation, avant même la sédentarisation et la vie en société.
On y apprend que dans ces tribus, l’accouchement n’était pas craint comme dans nos sociétés industrialisées. Les problèmes lors des naissances étaient rarissimes. La vie dans la nature octroyait des corps beaucoup plus sains, en forme, souples et forts. L’alimentation très diversifiée de ces chasseurs cueilleurs était riche (biologique et sauvage), et encore enrichie davantage par les « super aliments » que chaque tribu savait offrir aux femmes enceintes.
Les femmes savaient rester actives, tout en diminuant l’intensité du travail physique, afin que tout se passe bien. Et le jour venu, rien ni personne ne venait déranger le processus physiologique de la naissance. Comme tout mammifère, la femme se retirait en sécurité, loin des regards, et donnait naissance très souvent seule, ou accompagnée d’une ou deux femmes familières.
Il y a vraiment un travail à faire, pour reconstituer l’histoire des enfantements, de l’avènement de l’obstétrique et des hôpitaux ; un travail de mise en contexte avec la société, ses normes et ses croyances, pour arriver à saisir l’ampleur de la méprise… Ou encore, comme dans mon cas (car je n’ai terminé cette recherche personnelle qu’après l’expérience que je vous partage dans ce texte), faire confiance à cette petite voix intérieure qui dit que ce n’est pas vrai. Malgré tout ce qu’on m’a dit, tout ce que j’ai vu, tout ce que je sais… ce n’est pas vrai que l’accouchement est fondamentalement dangereux, ce n’est pas vrai que sans la médecine, un pourcentage certain de femmes moins chanceuses y risquera toujours sa vie ou celle de son enfant.
En fait, cela n’est vrai que si on continue de nourrir ce paradigme, cette croyance, cette « vérité ». C’est vrai quand on y croit, et qu’on agit en fonction de cette croyance : on créé alors vraiment cette réalité.
De nos jours, bien des sagefemmes, qui ont choisi leur métier parce qu’elles font confiance au processus naturel, renforcent malgré elles cette phobie collective par certains propos : « Ce ne sont malheureusement pas tous les accouchements qui iront bien, j’en ai vu des naissances où les femmes seraient mortes sans nos soins d’urgence, etc. »
Certes, on ne peut pas nier ces « accidents de la vie »… mais à les nommer, les répéter, à les imposer aux femmes enceintes, on perpétue le contrôle par la peur ! Bien sûr, tout ça se fait involontairement, sans même en avoir conscience.
La possibilité d’avoir un accident est toujours présente. C’est vrai chaque fois que je prends ma voiture. Enceinte, je risque donc la vie de mon enfant à chacun de mes déplacements. Pourtant, personne n’ose m’infliger cette crainte ni la culpabilité qui l’accompagne si je choisis de me déplacer en voiture ! Je prie pour que nous cessions d’imposer cette peur de l’accouchement aux femmes enceintes.
Ma mère a choisi il y a 38 ans de me donner naissance à la maison, accompagnée d’une sage-femme, tout comme elle le fera pour mes deux sœurs cadettes. Elle aussi défend pourtant très fortement le fait que la mort en couches et les difficultés obstétricales ont toujours fait partie de la vie des femmes. Elle était, et reste pleine de doutes face à mon choix d’accoucher de manière autonome, même devant le fait bien accompli. Lorsqu’elle-même a fait ce choix de me donner naissance à la maison, c’était parce qu’elle ne pouvait accepter les conditions d’accouchement à l’hôpital du début des années 80. Elle m’a dit avoir été prête à mourir ou à me perdre dans le processus… Son expérience est bien différente de la mienne. Jamais je n’ai été « prête » à perdre ma vie ou celle de mon enfant, jamais cette position intérieure ne m’a habitée. Alors, s.v.p., laissez tomber les « tu es ben courageuse d’avoir accouché sans aide, moi je n’aurais jamais pu… » Ce type de renoncement et de courage, je ne l’ai jamais eu !
Mon choix a toujours été d’être à l’écoute, d’être autonome dans la vigilance requise pour s’assurer que cette grossesse se déroule au mieux, jusqu’à sa conclusion. À tout moment, je pourrais aller chercher de l’aide, comme dans n’importe quelle situation d’urgence, en me rendant à l’hôpital ou en appelant le 9-1-1.
Cependant, le fait d’être continuellement confrontée à cette peur universelle de l’accouchement m’a remis en doute tout au long de ce processus.
Combien de fois me suis-je demandé si je n’étais pas trop aveuglée pour voir le danger, si je n’étais pas trop insouciante, trop optimiste, trop déconnectée de la réalité ? Mais cette petite voix restait toujours là en moi.
En fait, elle n’avait rien de petit, c’était ma voix intérieure, de plus en plus puissante. Un jour, cette réflexion qui murissait m’a fait affirmer dans mon cahier : « La naissance comme la mort peuvent se vivre sans peur et sans complication. C’est à nous de changer de paradigme. La naissance n’est pas le fruit du hasard, mais bien le résultat, le point culminant reflétant l’état d’harmonie présent ou non à tous les niveaux : physique, psychique, émotionnel, spirituel et familial ».
J’ai aussi écrit : « Les sagefemmes d’aujourd’hui faisant partie du système de santé québécois peuvent-elles vraiment respecter le choix des femmes et des hommes prêts à assumer pleinement leur autonomie et leurs responsabilités? Il semble que non. Je souhaite qu’un jour notre système de santé soutienne les démarches d’autonomie. »
Notre peur de l’accouchement vient de notre histoire : la sédentarisation, l’esclavage, le travail forcé, la pauvreté, la malnutrition, les mauvaises conditions d’hygiène, l’industrialisation, l’hypermédicalisation. Elle vient de l’insécurité collective qui s’inscrit dans nos cellules dès l’enfance, et qui provient d’un manque au niveau matériel ou au niveau affectif / psychologique.
J’ai découvert au fil des années comment la sécurité intrinsèque de l’être peut s’installer ou se briser, au tout début de la vie, par la manière dont la naissance est vécue ; par l’accueil, l’écoute, la réponse aux besoins durant les premières semaines, les premiers mois.
Aucun de nous ne possède la profonde confiance en la vie qui s’installait intrinsèquement chez les humains de ces tribus dites « primitives » où le contact physique peau à peau était naturel, où l’allaitement n’était pas interrompu avant que l’enfant ne le délaisse de lui-même.
La peur de l’accouchement est l’ennemi numéro 1 de l’accouchement lui-même. Avec le recul, ce que j’ai écrit intuitivement – « C’est à nous de changer de paradigme » – a pris tout son sens. Osons réinstaurer vraiment la confiance.
J’ai fini par pouvoir répondre un « Non » affirmé à toutes les questions énumérées plus tôt, tous les doutes qui venaient me confronter à mon intuition. Je n’allais pas de l’avant avec mon choix d’accoucher seule pour prouver quoi que ce soit. J’y allais parce que c’est ce que je sentais, parce que c’est ce que j’entendais à l’intérieur, parce que cette expérience m’était proposée, et je choisissais de lui dire « OUI ».
Si j’avais choisi de l’écarter, cela aurait été soit par peur, soit par « respect» pour mon conjoint et son inconfort. J’écris respect entre guillemets, car j’ai découvert sur ce chemin que c’était un faux respect. Un respect obéissant, conditionné par des siècles de soumissions féminines au mari, au chef de famille…
Cela me fascine encore de voir la subtilité de la soumission de la femme. Moi qui ai une personnalité de guerrière, qui ne se cache jamais d’être féministe, qui dénonce les injustices que subissent les femmes, dans mon intimité, j’ai été presque prête à renoncer à cet appel intérieur pour « respecter mon mari dans ses inquiétudes et ses préférences » ! Quand j’ai vu que pour le respecter c’est moi qui ne me respectais pas, j’ai compris que j’étais sur le point de faire fausse route.
L’autre chemin était celui de ma propre reconnaissance et de la reprise de mon pouvoir.
Je me suis alors reconnue comme une femme, héritière de ce pouvoir sacré qu’est le don de la vie, héritière de ce corps de femme et de sa connaissance, héritière des mémoires et de la sagesse de toute ces femmes qui ont donné naissance avant moi.
J’ai repris peu à peu conscience de mon pouvoir et de mon privilège d’être celle qui sent cet enfant, qui sent mon corps et qui vit cette complicité avec lui.
J’ai ainsi repris conscience que le choix des conditions de cette naissance ne revenait qu’à moi. Avec ce choix cependant, venait la responsabilité de préparer mon compagnon, de l’informer de ce à quoi il ne pouvait pas avoir accès : ce qui se vivait dans le secret de mon corps et de ma connexion à cet enfant.
J’ai donc pris le temps. Pris le temps d’accueillir ses peurs, d’envisager avec lui les pires scénarios, de chercher comment on pourrait les voir venir, ou comment réagir adéquatement si on se faisait prendre par surprise.
Je tiens à redire que je n’ai jamais été prête à perdre ma vie ou celle de mon enfant dans le processus. J’avais confiance qu’en cas de complication, mon corps ou mon enfant me le feraient comprendre à temps et que nous irions tout simplement chercher l’aide dont nous avions besoin à l’hôpital. Je n’ai jamais été contre le fait de recevoir l’aide dont j’avais besoin. C’est l’aide dont je n’avais pas besoin que je ne souhaitais pas me faire imposer….
Et c’est ainsi, avec l’aide aussi d’un livre sur le sujet que j’avais commandé pour lui – Unhindered Childbirth par Sarah M. Hadock – que nous sommes passés à travers les peurs et les inconforts. Quelques semaines avant la naissance, mon conjoint m’a dit simplement : « Je crois vraiment maintenant qu’il vaut mieux pour cette naissance que tu fasses comme tu le sens le mieux.»
Cette grossesse et cette naissance m’ont laissé un sentiment d’accomplissement profond, la sérénité et la fierté qui suit une action juste, celle qu’on a entendue dans son coeur et qu’on a osé poser.
Pour bien accoucher, une femme doit s’abandonner totalement à sa guidance intérieure, aux instincts et à la sagesse de son corps. Pour moi, c’était chose impossible avec les interventions et les suggestions de professionnels de la santé, quels qu’ils soient.
Choisir de le vivre par moi-même, accompagnée seulement de la présence aimante des miens, m’aura vraiment permis de m’abandonner à cette guidance, de la rechercher et de lui donner de l’espace en prenant des moments d’intériorisations fréquents tout au long de ma grossesse.
Méditation, marche consciente, yoga, natation, union avec la nature, union avec l’enfant à venir, respiration, chants sacrés, mantras, sungazing, alimentation vivante. J’ai nourri de paix et d’harmonie, autant que j’ai pu, cette grossesse bénie, et cette âme qui s’installait petit à petit en moi :
« Chaque fois que je t’ai contactée, lumière de celui ou celle qui s’en vient nous rejoindre, je t’ai écoutée, je t’ai ressentie et j’ai perçu que tout était harmonieux pour cette naissance aquatique prévue à la maison.
Deux ou trois semaines avant ta naissance, tu m’a invitée : “ Va voir au-delà de tes peurs, trouves-y la clé qui s’y cache.” Je ne croyais pourtant pas avoir peur. Puis je l’ai entendu cette vieille angoisse cachée dans un recoin. Celle de n’être pas “assez”. Pas assez bonne mère. Peur de ne pas te donner assez de tout ce qu’il te faut jusqu’au bout. Peur que tu puisses mourir avant d’être née.
La rivière que nous venions écouter chaque jour m’a alors soufflé que tout ce dont nous avions besoin, toi comme moi, existe déjà dans mon essence. Il s’agit de m’en souvenir et de le matérialiser. Être présente, me souvenir, respirer. Et voilà qu’une paix encore plus vaste s’est installée en moi. Mon impatience que tu naisses s’est évanouie. J’ai pu attendre sereinement ton arrivée à 41 semaines passées. »
La complicité avec mon véhicule physique, que je développais tranquillement dans ma vie quotidienne, s’est intensifiée avec les vagues qui ont envahi mon corps ce jour-là. Le point culminant de cette expérience est ce moment que l’on appelle la transition, où les femmes touchent en général la peur de mourir. J’ai pu le vivre entièrement sans peur, à travers l’intensité, en accompagnant mes cellules de très près. Je leur parlais, je les aimais, j’étais toute là avec elles.
Ainsi soutenu, mon corps confiant s’abandonnait profondément à chaque vague. Sans entraves aucunes, ça allait vite ! Et puis, cet instant de conscience modifié : j’étais liée à toutes les femmes, toutes ces femmes qui n’ont pas la chance de vivre cette expérience comme moi.
Gratitude et compassion infinie. Alliée avec elles, je leur ai envoyé tout l’amour et la grandeur qui m’habitait dans cet instant d’une intensité maximale. Instant qui se terminait déjà alors que la tête de mon bébé se pointait hors du canal de naissance. Puis, un petit boulet d’amour tout rose était expulsé dans l’eau chaude de ma piscine gonflable. J’ai eu l’immense bonheur d’aller le repêcher.
Ta naissance s’est passée comme je l’avais souhaitée. Sans flafla, sans histoires, une continuation de la vie, simplement.
Ta sœur t’a vu naître et elle est venue t’accueillir peau à peau dans la piscine. Ton frère déjà ado a suivi ce qui se passait depuis son espace à lui et a annoncer presqu’instantanément ton arrivée sur Facebook. Ton père t’a fait flotter tout en douceur, en t’admirant, en te laissant arriver. Tu n’as pas pleuré. Ta marraine a noté l’heure à laquelle tu t’es pointée et a pris une ou deux photos de ton petit nez.
Et moi je t’ai mise au sein, et ainsi notre placenta s’est décollé. Nous sommes sorties de la piscine quand j’ai senti que c’était le temps de le pousser. Accroupie, j’ai vérifié qu’il était bien décollé. Je suis allée sentir avec mes doigts, il était là tout près, alors j’ai tiré doucement sur le cordon et j’ai poussé avec l’autre main sur mon ventre. C’est ce que je sentais de faire, tout simplement. Plop, il est sorti direct dans le grand bol qui l’attendait. Du sang qu’on aurait pu mesurer à la cuillère.
On s’est allongées ensemble. On s’est senties. On s’est reposées. Et ton père a dit : « Je suis content finalement qu’il n’y ait eu personne d’autre que nous. Nous avons vraiment pu le vivre à son rythme à elle. »
Plusieurs heures plus tard, on s’est préparés à couper ton cordon. J’ai inspecté le placenta. Quelle merveille! Mon seul regret : j’aurais dû en conserver l’empreinte! J’ai vérifié au toucher et avec un miroir : je n’ai pas déchiré!
Crédits photos : Elia Pellegrini, Amy Humphries, Jonathan Borba